Variole du singe : Synthèse récapitulative pour les MG

23.09.2022

Ce document synthétise toutes les informations disponibles au sujet de la variole du singe, en ce début du mois d’août. Celui-ci pourra vous aider dans votre pratique médicale.

[Mise à jour du 23.09.22]

Des cas de variole du singe (Monkeypox en anglais) ont été signalés en Europe et dans le monde depuis début mai 2022, sans lien direct avec un voyage en Afrique du Centre ou de l’Ouest ou avec des personnes de retour de voyage. Depuis cette date, l’épidémie concerne un nombre croissant de pays et la maladie fait l’objet d’une surveillance renforcée. Le directeur général de l’OMS a annoncé, le samedi 23 juillet, qu’il déclarait l’urgence de santé publique de portée internationale concernant cette épidémie. Il s’agit du plus haut niveau d’alerte de l’organisation pour déclencher une série d’actions des pays membres.

La variole du singe est une zoonose. Les rongeurs et les primates constituent le réservoir du virus, l’orthopoxvirus simien. Il apparaît qu’avec le variant actuel, la contagiosité interhumaine semble plus importante que par le passé.

Tableau clinique

Cas suspect =  éruption évocatrice précédée ou accompagnée de fièvre, adénopathie, odynophagie, atteinte muqueuse génitale ou anale.

  • Il faut poser la question de l’activité sexuelle au moindre doute clinique (sans que ce soit exclusif)!
  • Après une phase d’incubation pouvant durer de 3 à 21 jours (médiane : 7 jours), on distingue deux phases potentielles avec les symptômes suivants : la période invasive (qui dure de 0 à 5 jours) caractérisée par l’apparition de fièvre, de céphalées, d’adénopathies, de douleurs dorsales, de myalgie et d’une asthénie marquée. Ces symptômes systémiques, s’ils sont fréquents, ne sont toutefois pas toujours présents et leur absence ne peut suffire à écarter le diagnostic.
  • L’éruption cutanée suit généralement la phase systémique mais peut parfois la précéder ou arriver simultanément. Il est important de garder à l’esprit que les caractéristiques de l’épidémie actuelle diffèrent des épidémies de variole précédentes en raison de la transmission majoritairement sexuelle de la maladie pour le moment.
    • La présentation la plus typique consiste en une lésion primaire au niveau anogénital, du tronc, des membres, et/ou de la face. Cette lésion primaire consiste en une papule d’allure pseudo-pustuleuse, c’est-à-dire qu’elle ressemble à une pustule mais sans contenu liquidien à l’intérieur.
    • Lorsque les lésions primaires sont muqueuses, le signe d’appel initial peut consister en une odynophagie, une proctite, un ténesme et/ou de la diarrhée.
    • Les lésions s’étendent ensuite progressivement en quelques jours et prennent un aspect vésiculo-pustuleux. En l’espace de quelques semaines, les lésions forment des croutes qui finissent par tomber. L’aspect de l’éruption pourra donc différer grandement selon le stade auquel le patient se présente en consultation. En outre, 53% des patients présentent des lésions à des stades différents.
    • Les sites les plus couramment touchés sont les zones anogénitales (73%), le tronc et les membres (55%), le visage (25%) ainsi que les paumes et les plantes de pieds (10%)

Le diagnostic différentiel doit prendre en considération d’autres maladies éruptives, comme la varicelle, la rougeole, les infections bactériennes cutanées, la gale, la syphilis et les allergies médicamenteuses. L’adénopathie au stade prodromique peut être un signe clinique permettant de distinguer la variole du singe de la varicelle ou de la variole. En outre, l’aspect pseudo-pustuleux des lésions primaires permet de les distinguer de la varicelle et de l’herpès, en début de maladie. Certains patients ne présentent qu’un chancre unique au niveau génital en début de lésion et toute suspicion de syphilis devrait actuellement être dépistée pour la variole du singe (en plus de la syphilis).

Les complications suivantes sont possibles, en particulier en cas d’état général altéré ou d’immunodépression, ou chez les enfants et les femmes enceintes :

  • Éruption importante
  • Douleur invalidante (nécessitant parfois une hospitalisation pour la contrôler)
  • Lésions des muqueuses avec dysphagie, rétention urinaire, constipation
  • infections secondaires pouvant aller jusqu’à la formation d’un abcès, bronchopneumonie, état septique,
  • encéphalite
  • infection de la cornée pouvant entraîner une perte de la vision pouvant être définitive.

Confirmation diagnostique

Une analyse de laboratoire pourra confirmer la maladie et, ce, à partir de matériel prélevé au niveau des vésicules, et transporté en respectant la chaine du froid et les règles de sécurité. C’est pour ces deux raisons qu’il faut donc envoyer les personnes suspectes de développer la maladie en milieu hospitalier (service des urgences) afin d’effectuer un prélèvement (liste des hôpitaux disponibles). Il est utile de prévenir l’hôpital et que le patient s’y présente avec un masque (de préférence FFP2).

Vu la transmission principalement sexuelle de la maladie à l’heure actuelle, tout patient avec un diagnostic de variole du singe devrait également bénéficier d’un dépistage complet des ISTs (sérologies HAV/HBV/HCV, HIV, syphilis + PCR Chlamydia Trachomatis et Neisseria Gonorrhea sur urines, frottis de gorge et frottis anal). En effet, il y a jusqu’à 76% de co-infection variole du singe + IST.

Traitement de l’affection

Le traitement est symptomatique :

  • veiller à une bonne antalgie, de palier 1 (paracétamol, AINS) voire de palier 2 si nécessaire (tramadol)
  • limiter le prurit par une bonne hydratation de la peau (pommade grasse), voire un pansement occlusif humide ; on peut tenter l’utilisation d’un antihistaminique (pas de preuve mais usage courant)
  • éviter les corticoïdes sur les lésions cutanées et muqueuses ! Entre autres, éviter certaines crèmes et suppositoires utilisés pour les hémorroïdes (qui contiennent des corticoïdes).
  • sans recommandation claire à l’heure actuelle, on peut utiliser de la Lidocaïne 2% en pommade, ou en spray (buccal), pour soulager les lésions muqueuses.

Vaccination

Les groupes qui étaient prioritaires pour la vaccination préventive  contre la variole du singe ayant eu la possibilité d’être vaccinés, le Risk Management Group (RMG) a décidé que tous les hommes ayant des relations sexuelles avec plus d’un homme, et qui courent donc un risque plus élevé, peuvent désormais également se faire vacciner dans un centre de vaccination en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles.

Le Médecin Généraliste n’a plus besoin d’écrire une lettre de référence.

Qui peut se faire vacciner ?

En raison du nombre limité de vaccins et de l’incertitude actuelle quant aux futures livraisons[1], la vaccination est réservée à certaines personnes :

  • en post-exposition au virus (dans les 4 jours suivant l’exposition) :
    • le personnel soignant après un contact à haut risque sans protection. Par exemple: contact prolongé en face-à-face, plaie en contact avec les fluides corporels d’un patient infecté, exposition à des aérosols.
    • les personnes immunodéprimées après un contact à haut risque. Par exemple : un membre du même ménage infecté ou le partage de vêtements, de literie ou d’ustensiles de cuisine avec un patient présentant une éruption cutanée.
    • les personnes après un contact à très haut risque. Par exemple : un contact sexuel, un contact prolongé de peau à peau avec une personne présentant une éruption cutanée ou une plaie.
  • en préexposition :
    • Les hommes ayant des rapports sexuels avec plusieurs hommes ;
    • Les travailleurs du sexe masculins et transsexuels ;
    • Les personnes souffrant de graves troubles immunitaires et d’une forte probabilité d’infection
    • Les femmes qui reçoivent une thérapie PREP ayant des contacts sexuels alternés fréquents;
    • Le personnel de laboratoire prenant en charge les cultures virales.

Le vaccin s’administre dans le haut du bras. En principe, les personnes vaccinées contre la variole classique (vaccination obligatoire en Belgique jusqu’en 1976) ne reçoivent pas de nouveau vaccin, sauf en cas de trouble du système immunitaire.

Les centres de référence

Fin septembre, les entités fédérées communiqueront comment et à partir de quand les personnes concernées par la vaccination pourront prendre rendez-vous dans un centre de vaccination. À vérifier sur le site de l’Aviq ou de la Cocom.

La vaccination s’effectue dans les centres de référence VIH, à savoir :

  • CHU St. Pierre, Rue des Alexiens, 13, 1000 Bruxelles
    Tel. 02 506 70 72 (à partir du 04/08), (02 535 31 77 jusqu’au 03/08 inclus) https://www.stpierre-bru.be/mo…
  • CHU Liège, Tel. : 04 270 31 90
  • Hôpital Civil Marie Curie (Charleroi) Tel. 071 92 22 58 (ou 071 922307)
  • CHU Mont-Godinne (Yvoir) Tel. 081 42 28 61 (semaine), 081 42 31 01 (week-end)
    https://www.chuuclnamur.be/mon…
  • Institut de médecine tropicale, ITG (Anvers), Tel. 03 247 66 66
  • AZ Sint-Jan Brugge-Oostende, Tel. 050 45 23 12, 050 45 23 20
  • UZ Gent, Tel. 09 332 21 11, 09 332 23 50
  • Jessa Ziekenhuis (Hasselt), Tel. 011 33 81 11, 011 33 76 50
  • UZ Leuven, Tel. 016 34 47 75, 016 33 22 11
  • Centre Hospitalier de Luxembourg (pour les travailleurs frontaliers en possession d’une carte d’assurance de la CNS luxembourgeoise) : +352 44 11 30 91 4 Rue Nicolas Ernest Barblé, 1210 Luxembourg. Attention, au 05 août, les vaccins n’étaient pas encore arrivés au CHL.

Délais

Un intervalle de 2 semaines est à respecter au mieux entre une vaccination contre la variole du singe et un vaccin d’automne Covid ou grippe. Un vaccin contre la grippe peut être administré en même temps qu’un vaccin Covid, dans l’autre bras.

Contagion et incubation

Le virus se transmet entre êtres humains ou entre animal et être humain (dans les deux sens).

La transmission survient principalement par contact direct et étroit avec les lésions d’une personne infectée. La transmission par des objets contaminés (dits « fomites »)  est également possible : essuies, literie, vêtements contaminés. En outre, la transmission peut se faire par gouttelettes respiratoires, bien qu’elle soit moins efficace que pour la Covid. À l’heure actuelle, des traces de virus ont été retrouvées dans le sperme sans que la transmission par fluide séminal n’ait encore pu être confirmée.

Dans le contexte actuel de l’épidémie, 94% des transmissions ont lieu par contact rapproché lors de relations sexuelles. Pour le moment, 96% des personnes contaminées sont des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH ou MSM). L’épidémie risque de se propager par la suite dans le reste de la population. L’absence d’activité sexuelle ou une orientation hétérosexuelle ne peuvent suffire à écarter le diagnostic.

Un malade est considéré contagieux 2 jours avant l’apparition des symptômes et jusqu’à la chute des croutes des lésions cutanées. /!\ L’infection peut être asymptomatique (et la personne est contagieuse).

L’incubation dure habituellement de 6 à 13 jours mais peut aller de 3 à 21 jours, avec une durée médiane de 7 jours.

Isolement et prévention

  • Une personne dont le diagnostic est confirmé doit s’isoler jusqu’à la chute des croutes consécutives aux lésions. En particulier, éviter tout contact étroit, peau à peau, et tout rapport sexuel. Cela peut durer jusqu’à 21 jours
  • L’isolement est recommandé également aux personnes suspectes d’être contaminées, en attendant la confirmation diagnostique.

Contacts à haut risque

Une personne ayant eu des contacts rapprochés avec une personne infectée (contact à haut risque) doit :

  • surveiller l’apparition d’éventuels symptômes,
  • éviter les contacts rapprochés avec d’autres personnes, en particulier les rapports sexuels
  • contacter le centre de référence de sa région pour envisager une vaccination.

Les contacts à haut risque sont :

  • les contacts familiaux et partenaires sexuels (jusqu’à 48h avant l’apparition des lésions)
  • les soignants ayant été en contact avec les lésions cutanées sans protection appropriée.

Il faut également éviter le contact avec les animaux afin d’empêcher la transmission de la maladie dans la faune sauvage.

Enfin, l’utilisation d’un préservatif est vivement recommandée jusqu’à 12 semaines après la guérison.

Déclaration

Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire. Vous pouvez utiliser les canaux suivants (comme pour les autres maladies à déclaration obligatoire) :

Sources : SPF santé publique, Santé publique France, OMS, Aviq, Sciensano, cbip,

[1] La Belgique disposait déjà de 200 doses d’Imvanex de la société danoise Bavarian Nordic. Le vaccin a été autorisé dans l’UE contre la variole classique, mais il peut également être utilisé contre la variole du singe. 3040 doses de vaccin Jynneos, la version américaine du vaccin Imvanex, viennent également d’être livrées à la Belgique. L’Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires (HERA) a acheté ces vaccins pour l’UE (110.000 doses). Les premières livraisons seront effectuées dans les pays où le nombre de cas est relativement élevé. Ceci comprend l’Espagne, l’Allemagne, le Portugal et la Belgique.