Télémédecine, l’approche constructive et vigilante du CMG

22.03.2023

L’approche du CMG est de permettre aux acteurs de la médecine générale francophone de s’approprier les questionnements suscités par la télémédecine dans ses différents usages : téléconsultation, télé-monitoring, télé-expertise, intelligence artificielle, … Au-delà d’un débat dépassé sur le « pour » ou « contre » la télémédecine, il s’agit plutôt pour le CMG d’envisager comment la médecine générale veut et peut définir et pratiquer la télémédecine en recherchant des critères de qualité pour les patients, pour les médecins généralistes et pour la santé publique.

Définitions de la télémédecine

Les actes de télémédecine sont des actes médicaux réalisés à distance, au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Parmi ces actes :

  • la téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé (kinésithérapeute, infirmier, …), un aidant proche, peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation ;

Une téléconsultation est un contact synchrone à distance entre le prestataire de soins et le patient, soit téléphonique soit via vidéo. Une téléconsultation se caractérise par les mêmes éléments de structuration qu’une consultation physique (SOAP, S=subjectif, O=objectif, A=appréciation, P=planning). Il est bien entendu que la téléconsultation ne permet pas d’examen physique mais la récolte d’éléments objectifs (O de SOAP) est toutefois possible dans une certaine mesure et permet donc la réalisation d’une consultation. (voir Doc. CNMM 2022-036 – Groupe de réflexion sur les téléconsultations – rapport final)

  • la télé-expertise a pour objet de permettre à un professionnel médical (dit « requérant ») de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux (dits « requis ») en raison de leur formation ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient.
  • le télé-monitoring a pour objet de permettre à un professionnel médical de suivre ses patients à distance. La technique s’appuie sur des mesures et des renseignements recueillis auprès des patients et transmis aux dispensateurs de soins.
  • les technologies de la télémédecine sont multiples.
    • la téléphonie : du bon vieux téléphone fixe au smartphone le plus évolué ;
    • les systèmes de vidéoconférences, dont l’utilisation s’est intensifiée de manière exponentielle pendant la crise Covid ;
    • les logiciels médicaux qui ne cessent d’évoluer ;
    • les mesures automatisées et transmises, à l’initiative du patient ou du médecin ;
    • l’intelligence artificielle, en plein développement, dont on ne mesure pas encore les impacts futurs, à plus ou moins moyen terme.

Conditions pour que la médecine générale s’approprie progressivement les différents outils et méthodes de télémédecine

Pour le Collège de médecine générale, il est important de respecter des principes généraux.

  • Donner la priorité à la recherche de qualité et de sécurité pour les patients, pour les médecins généralistes, pour les équipes pluridisciplinaires de prestations de soins, pour la santé publique.
  • Prendre en considération la médecine générale avant tout comme un métier de contacts et de relations humaines.
  • Saisir les opportunités qu’offre la télémédecine pour enrichir, de façon complémentaire, la palette des modes d’intervention de la médecine générale.
  • Identifier la démarche comme une manière de répondre à des besoins des patients ou des médecins qui sont nouveaux ou non rencontrés.
  • Veiller à créer des conditions d’utilisation adéquates des outils de la télémédecine.
  • S’assurer que les prestations de télémédecine soient rémunérées correctement, en relation avec les investissements professionnels, humains, matériels et financiers que cela représente pour les médecins généralistes.
  • Cadrer de manière spécifique et distincte les différentes démarches de télémédecinepour une utilisation pertinente des téléconsultations, de la télé-expertise, du télé-monitoring, de l’intelligence artificielle.
  • Mettre en place des politiques de formation initiale des médecins généralistes afin qu’ils puissent s’approprier au mieux ces nouveaux outils.
  • Mettre en place des politiques de formation continue des médecins généralistes afin qu’ils puissent s’approprier au mieux ces nouveaux outils.
  • Développer des contenus de littératie en santé à destination des bénéficiaires de la télémédecine

 

Les écueils à éviter face à la télémédecine

  • L’exercice de la télémédecine n’est pas une finalité en soi. La télémédecine n’est pas une discipline médicale en soi, c’est un outil qui permet d’enrichir des disciplines existantes, notamment la médecine générale.
  • L’accès aux soins de santé pour tous doit rester une préoccupation constante. L’utilisation de technologies dans la relation avec les patients peut, si l’on n’y prend pas garde, créer de nouvelles inégalités dans l’accès aux soins (fractures numériques pour les patients et/ou les soignants).
  • La télémédecine ne peut être considérée comme une réponse politique à la pénurie de médecins généralistes. La télémédecine génère des manières différentes et complémentaires d’aborder les patients. Il n’est pas démontré qu’elle générerait des gains de productivité qui permettraient de suivre davantage de patients. Par ailleurs, la télémédecine ne peut être découplée d’une médecine de contact qui implique une disponibilité sociale et territoriale.
  • Le marché des outils de télémédecine représente une opportunité juteuse pour des opérateurs privés de s’introduire dans le domaine de la santé et y imposer leurs visions économiques d’une politique de santé qui ne tienne pas compte de l’intérêt général des patients et des professionnels de santé. Il est donc indispensable que les autorités publiques conservent une maîtrise du cadre réglementaire d’introduction et d’utilisation de la télémédecine en accord avec les professions médicales concernées. Il est tout aussi indispensable que la profession médicale garde la maîtrise des outils.

De ce point de vue, le Collège de Médecine Générale plaide fermement pour que les pouvoirs publics n’ouvrent en aucun cas la porte à des projets industriels de santé qui veulent vendre une médecine via plateforme électronique, sans possibilité de contacts personnalisés accessibles socialement et territorialement.

Approche du financement des téléconsultations

  • Le choix du type de consultation par le médecin ne devrait pas être influencé par le financement, pour que ce choix se fasse en regard de la qualité. L’incitant financier à choisir l’une ou l’autre modalité devrait être nul ou très réduit.
  • La lourdeur administrative d’une téléconsultation est à prendre en compte, notamment en cas de prestation à l’acte ou de fourniture de « preuve » de contact.
  • Une consultation téléphonique est équivalente à une consultation vidéo ou à une consultation physique, à condition que certains critères soient remplis (par exemple, les critères SOAP). Ces consultations doivent être honorées à même hauteur.
  • Le code de nomenclature pour les conseils/avis reste pertinent.

Les critères de qualité d’une téléconsultation

De manière générale

  • une téléconsultation doit pouvoir s’inscrire dans une cohérence de parcours de soin du patient;
  • une certaine alternance entre consultations de contact et téléconsultations est indispensable pour assurer la qualité des soins ;
  • le matériel de communication doit répondre aux exigences de qualité, de sécurité et de confidentialité.

Avant la téléconsultation, il est indispensable

  • d’annoncer au préalable qu’il s’agit bien d’une téléconsultation (et non d’un simple conseil) ;
  • de s’identifier comme prestataire de soins ;
  • d’identifier correctement le patient ;
  • de recueillir le consentement éclairé du patient ;
  • d’évaluer la pertinence du caractère adapté de la téléconsultation ;
  • d’identifier la localisation du patient afin de pouvoir convertir, au besoin, la téléconsultation en consultation physique ou autre ;
  • d’informer le patient sur le cadre, le lieu, les aspects techniques de la démarche ;
  • de vérifier les conditions de confidentialité des échanges.

Pendant la téléconsultation, le médecin généraliste doit pouvoir décider d’interrompre la téléconsultation pour proposer un autre mode de contact, que ce soit en raison du type de problèmes à traiter ou de difficultés de communication.

À propos de la formation, il est nécessaire de

  • se former à la réalisation de l’examen de cas à distance ;
  • se former à l’utilisation du matériel ;
  • mener des évaluations individuelles et/ou collectives par les médecins généralistes (besoins à rencontrer, opportunités, analyse d’incidents, etc) ;
  • permettre une évaluation par les patients (questionnaire de satisfaction, opportunités, analyse des incidents, etc).

 

Les critères de qualité d’une télé-expertise, de télémonitoring et d’intelligence artificielle sont encore à développer.

Références

  • Les travaux du GT « Télémédecine » du CMG réuni le 27 septembre 2022, le 8 novembre, le 13 décembre 2022, le 6 février 2023, le 13 mars 2023.
  • L’exposé de Cédric Rat, Université de Nantes, 6 février 2023 – disponible en vidéo sur notre site internet.
  • La fiche Mémo 2019 de la Haute Autorité de Santé (France) sur la mise en œuvre de la téléconsultation et de la télé-expertise.