Plusieurs pays européens ont signalé une augmentation des infections invasives à Streptocoque A (iGAS ou IIGAS pour infections invasive par streptocoque du groupe A). L’OMS et l’ECDC invitent à la vigilance. Qu’en est-il pour nous médecins généralistes ?
Comme dans plusieurs pays Européens, la Cellule de Surveillance des Maladies Infectieuses observe depuis le mois de juin 2022 un nombre plus important de déclarations d’infections invasives à Streptocoque du Groupe A (IISGA) par rapport aux années précédentes pour la même période dans toutes les tranches d’âge. Cette augmentation s’est accentuée au courant du mois de décembre 2022. En Wallonie, on constate que ces infections sont associées à un nombre croissant d’hospitalisations aux soins intensifs, menant dans certains cas au décès du patient (Flash Maladies Infectieuses Aviq, janvier 2023). Elle reste toutefois très modérée, l’ECDC parle de risque bas.
Elle peut s’expliquer de plusieurs façons :
un effet de « rattrapage » après une nette diminution ces deux dernières années,
le relâchement des gestes barrières,
l’actuelle épidémie de viroses respiratoires et de varicelle parmi les enfants (co-infection ou surinfection par le streptocoque),
une augmentation progressive des infections à streptocoque du groupe A depuis deux décennies, peut-être relativement à la diminution d’autres maladies infectieuses, grâce à la vaccination.
À ce stade, cette augmentation ne semble pas due à l’apparition d’un nouveau variant ni à une résistance antibiotique (voir lien ECDC).
Cela change-t-il quelque chose en termes de recherche de Streptocoque A en médecine générale et de traitement antibiotique ? Non (voir réunion du RMG du 19 janvier 2023).
Tout d’abord, parce que le lien est ténu entre infection non-invasive (infection ORL) et infection invasive. Une infection invasive survient généralement de novo et non comme une complication d’une infection ORL symptomatique. Le tableau d’une infection invasive est un tableau clinique sévère (fièvre, sérieuse altération de l’état général, voire choc) qui doit être référé en milieu hospitalier. Les complications d’une infection ORL à streptocoque sont l’abcès amygdalien, l’otite, la sinusite, qui pourront être traités spécifiquement s’ils surviennent.
Ensuite, parce que la présence d’un Streptocoque ne justifie pas à elle seule un traitement. Ce n’est pas parce qu’un streptocoque est présent lors d’une pharyngite aigue qu’il en est responsable : il y a des porteurs sains. Et ce n’est pas parce qu’il est présent, et potentiellement la cause de cette pharyngite, qu’il faut le traiter. En effet, les gains sont très faibles sur l’antalgie, sur le risque de complications locales ou générales (qui sont rares), et sur la contagiosité (même si le tableau d’angine est complet). Par contre, les conséquences en cas de prise d’antibiotique sont bien réelles : allergie aux antibiotiques (pouvant être grave), perturbation de la flore commensale, résistance aux antibiotiques, coût pour la société. Cela implique donc de ne tester et traiter par antibiotiques que rarement, en fonction d’un tableau clinique d’infection sévère ou en fonction de facteurs de risque de complications (cancer sous chimio/radiothérapie, troubles immunitaires, valvulopathie).
Figure 1: balance bénéfice-risque d’un traitement antibiotique en cas de mal de gorge aigu chez un patient tout-venant (source: Belche, Jean-Luc, 2022, Coup d’œil sur : Guide de pratique clinique sur le mal de gorge aigu – WOREL 2017, Présentation au CNGE, Lille, Décembre 2022)
En matière de testing: « Il n’est pas cliniquement pertinent d’établir un diagnostic plus poussé par rapport à une angine à SGA. (…) il ne s’agit pas de faire une distinction entre des infections bactériennes et virales, mais plutôt entre des patients avec et sans risque. De surcroît, il n’y a pas de test idéal pour poser le diagnostic d’angine à SGA. »
En matière de traitement: « Envisagez les antibiotiques chez les patients gravement malades et chez les patients à risque. Pesez les avantages des antibiotiques par rapport aux effets secondaires, l’effet sur la flore commensale, le risque accru de résistance, la médicalisation et le coût (GRADE 2C). »
En matière de suivi : « Normalement, il n’est pas prévu de suivi chez un patient qui consulte pour un mal de gorge aigu. Le suivi s’avère par contre bien nécessaire après 2 jours sans amélioration ou après un 1 ou 2 jours de détérioration. Les facteurs de risque sont une raideur de la nuque, une forte fièvre, de la fièvre avec tremblements (plus de 39 °C), des sueurs nocturnes et une tuméfaction unilatérale du cou. Contrôlez également plus vite les patients qui ont reçu un antibiotique, mais qui n’ont pas montré d’amélioration après 2 jours ».
En conclusion, les invasions à Streptocoque du groupe A sont sous surveillance au niveau épidémiologique, et comme médecins généralistes, nous pouvons d’une part rapporter des situations d’infections sévères et, pour nos patients, assurer un suivi pour les (rares) situations qui nécessiteraient une antibiothérapie ou une référence à l’hôpital.