Revue de médication par le pharmacien de référence : contexte et infos pratiques

08.05.2023

Pour qui ? Comment ? Coût ? Quelques informations pratiques sur la revue de médication et l’accompagnement personnalisé des patients polymédiqués par leur pharmacien de référence. 

La revue de médication, d’application depuis le 1er avril 2023, est un accompagnement personnalisé des patients polymédiqués, par leur pharmacien de référence, visant à optimiser l’usage des médicaments par la détection d’interactions, d’effets indésirables, de mauvais usage, de surconsommation ou de sous-consommation.

Elle peut être effectuée à l’initiative du pharmacien de référence (pas d’autre pharmacien), du patient ou du médecin traitant (qui aura toujours le dernier mot), au travers d’une collaboration entre eux trois.

Quelques informations

  • En Belgique, près de 300.000 patients prennent de façon chronique au moins 5 médicaments par jour. La question de la collaboration entre généralistes et pharmaciens en vue de l’optimisation de l’utilisation des médicaments a été jugée « thématique prioritaire » par l’asbl Concertation Médico-Pharmaceutique (CMP) et y a été discutée par les représentants des pharmaciens (APB et OPHACO), des syndicats médicaux (ABSYM-BVAS, Cartel/GBO-ASGB-MODES), et des sociétés scientifiques de médecins (SSMG, Domus Medica) et de pharmaciens (SSPF).
  • Dans un premier temps, cette mesure a été concertée avec les médecins. Mais sa finalisation pratique a été réalisée et adoptée le 16 décembre 2022 en Commission de conventions pharmaciens-organismes assureurs de l’INAMI (l’équivalent de la médico-mut pour les médecins), écartant les médecins des dernières décisions.
  • L’optimalisation de l’usage des médicaments est aussi un des « objectifs des soins de santé/appropriate care » sélectionné en 2021 dans le cadre de la trajectoire budgétaire pluriannuelle « soins transversaux » en date du 16 janvier 2023. Le projet de revue de médication en fait partie et a été validé par le Comité de l’Assurance. La démarche de « soins transversaux » s’inscrit dans une promotion de la collaboration entre les différents prestataires dans un but d’amélioration de la santé publique.

Sachant que la iatrogénicité est un problème de santé publique, les représentants des médecins ont accepté de se pencher sur ce sujet majeur.

La réduction de la consommation des médicaments réduit de facto les gains des pharmaciens. La question s’est posée alors de trouver des incitants permettant aux pharmaciens d’adhérer à ce projet de santé publique. Dans l’idée de dissocier en partie leurs gains du nombre de médicaments vendus, la création de financements alternatifs a été élaborée. Dans le même ordre d’idée, la création du DMG chez les généralistes et autres paiements forfaitaires a dissocié en partie leur revenus des actes prestés.

Pointons trois missions du pharmacien : le dépistage, l’orientation des patients et la révision de médication, avec une attention particulière à la littératie en santé et l’adhésion thérapeutique des patients.

  • Le dépistage du diabète chez le pharmacien a permis l’envoi chez les généralistes de nombreux patients qui ne se savaient pas diabétiques (un cinquième des patients à risque détectés par les pharmaciens).
  • Ce travail « au comptoir » est bien réglementé, l’exemple des cystites est parlant: si la plainte émane d’une femme enceinte, s’il y a de la fièvre, des douleurs dorsales, une hématurie, des nausées, l’envoi chez le généraliste est obligatoire. Si non, il est possible pour le pharmacien de donner un médicament pendant 3 jours. Les signaux d’alarme et les groupes à risque sont bien définis et à respecter pour garantir la sécurité médico-légale des actes posés par les pharmaciens.

Dans un contexte de pénurie de généralistes, le pharmacien deviendrait-il la première porte d’entrée dans les soins de santé pour certains patients ? « Tous n’ont pas un généraliste, mais tous ont un pharmacien ! » Comment les pharmaciens vont-ils s’associer alors au mieux au travail des généralistes dans le respect mutuel ?

  • Quels sont les mécanismes mis en place pour faciliter la collaboration ?
  • Comment soutenir le travail de lutte contre la iatrogénicité déjà entamé par les généralistes ? Les généralistes ont développé le concept de « dé-prescription », l’utilisation des tables STOPP/START pour les patients de 65 ans et plus, la « réconciliation médicamenteuse » en post-hospitalisation, toutes ces démarches participant à la « prévention quaternaire », rôle spécifique de la médecine générale.
  • Comment éviter le risque d’atteinte à la relation médecin/patient s’il y a désaccord entre le pharmacien et le généraliste ?
  • Comment définir la responsabilité civile et pénale du médecin dans ces désaccords ?
  • Comment évaluer cette démarche ?

Les réponses à ces questions seront essentielles pour garantir une collaboration intersectorielle utile pour la santé publique.

La revue de médication

Pour qui ?

Tout patient ambulatoire polymédiqué (prenant au moins 5 médicaments remboursés de façon chronique en raison de problèmes de santé complexes) ayant besoin d’un accompagnement personnalisé. L’attention est mise sur les :

  • Patients plus fragiles : personnes âgées présentant des troubles physiques, cognitifs, psychologiques ou sociaux ou des personnes ayant un faible niveau de littératie en santé ou d’alphabétisation.
  • Médicaments à risque : par ex. anticoagulant, antiagrégant, insuline ou antidiabétique à risque d’hypoglycémie, association d’antihypertenseurs, AINS, corticostéroïde oral ou médicament à marge thérapeutique étroite (ex. méthotrexate)

Le patient doit avoir donné son consentement éclairé (eHealth Consent) à son pharmacien de référence pour le partage de ses données de santé et le suivi des soins pharmaceutiques. Un service similaire spécifiquement destiné aux patients résidant en MR/S sera déployé ultérieurement.

Comment ?

Le pharmacien de référence évalue l’usage des médicaments sur base de l’historique médicamenteux du patient et d’un 1er entretien ciblé avec lui.

Après cet entretien, il analyse l’ensemble des données recueillies, identifie – à l’aide d’une méthode structurée – les problèmes (potentiels) liés aux médicaments , puis élabore un plan d’action.

Ce plan, qui propose les interventions éventuellement nécessaires pour optimiser l’usage des médicaments, est transmis pour accord au médecin traitant (par téléphone ou mail) avant de pouvoir être partagé avec le patient lors d’un 2e entretien.

Coût pour le patient ?

La revue de la médication est un service pharmaceutique financé par l’INAMI : 95 euros pour l’ensemble de la revue de médication/patient pour le pharmacien et gratuit pour le patient. Les patients du groupe cible peuvent en bénéficier une fois tous les 2 ans.

À titre exceptionnel, une revue de médication supplémentaire peut être réalisée sur prescription du médecin en fonction d’un besoin spécifique du patient.

Plus d’informations sur le site du CBIP (Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique).